avril 22, 2021 8 lecture minimale

Par François Nadeau, Guide de Pêche


Les premières sorties de pêche à la truite en rivière de la saison sont souvent difficiles, voire frustrantes. Surtout que cette année, afin de relever le défi, vous avez décidé de le faire uniquement à la mouche! L’eau est haute et froide, vous ne voyez aucune mouche dans les parages et la truite vous semble très peu coopérative. C’est pourtant tout à fait normal, tout comme vous, les cours d’eau et la faune halieutique reprendront vie peu à peu avec le réchauffement de la température. Je vous présenterai brièvement quelques notions pour faciliter votre compréhension de l’environnement de la truite. Je vais m’attarder sur les approches à adopter et vous suggérer de l’équipement de base qui vous permettront peut-être de tirer votre épingle du jeu.

forest and river seen from the sky

Géomorphologie et Température des cours d’eau

Pour mieux comprendre l’environnement, il faut tout d’abord s’attarder à la géomorphologie des cours d’eau et l’effet que la température de l’eau a sur les poissons. À la fin avril, il n’est pas rare que nos rivières contiennent plus du double de la quantité d’eau normale. Celle-ci vient principalement de la fonte des neiges et sa température oscille autour de 4 °C. Rien de bien réconfortant quand on sait que la température préférentielle de salvelinus fontinalis est plutôt aux alentours de 14 °C! La truite mouchetée, un animal à sang froid, voit donc son métabolisme directement affecté par la température ambiante. Il est à noter que pendant la période hivernale, elle ne se déplace que rarement de plus de 30-40 cm pour atteindre sa nourriture. Il se peut même qu’elle ne le fasse qu’une fois aux deux semaines et que dans la majorité des cas, son repas ne sera qu’une simple nymphe.

Il faudra donc adapter notre équipement et surtout nos méthodes de pêche afin de réussir à passer une mouche directement sous le nez de la dame tant convoitée. Pour cela, il faudra apprendre à trouver un endroit propice et reconnaître le bon moment de la journée pour faire ses sorties. Il faut le faire en se camouflant et en étant discret dans nos déplacements. En début de saison, il faut pêcher en douceur et offrir une belle présentation pour connaître le succès. Pour terminer, nous verrons aussi qu’il faut choisir l’équipement adéquat et la bonne technique pour y parvenir.

Brown trout

Le choix d’un endroit propice et de la période optimale

En sachant que la truite sera plus active dans une température ambiante confortable, il faudra chercher les endroits qui se réchaufferont plus rapidement dans un cours d’eau. Vous devez aussi tenir compte du choix du type du cours d’eau. Il est certain qu’un petit ruisseau se réchauffera plus rapidement qu’une rivière de moyenne ou grande taille. Je conseille d’ailleurs un ruisseau pour débuter la saison et vous faire la main en attendant que l’eau baisse dans nos belles grandes rivières.

Tout d’abord, recherchez les sections à faible débit. Les fosses moins profondes et les bords de rivière sont les endroits idéals où vous devriez faire vos premières prospections. C’est aussi là que vous y verrez les premières éclosions d’insectes annuelles. Il ne faut pas non plus oublier qu’il y a beaucoup de sédiments en suspension qui troublent la clarté de l’eau à l’ouverture. Règle du pouce : la vision sous-marine est deux fois plus embrouillée que celle vue de l’extérieur. Il faudra donc choisir des mouches qui contrastent avec leur environnement afin d’être perçues par le poisson.

Il y a aussi plusieurs théories sur la période idéale de la journée pour pêcher mais en ne se limitant qu’à l’élément calorifique, la période idéale se trouverait entre 14 :00 et 17 :00. Est-ce qu’on devrait seulement pêcher dans cette plage horaire? Certainement pas! Si vous voulez attraper un poisson, votre mouche doit être à l’eau le plus souvent possible.

 Forest and river

Le camouflage et la discrétion dans nos déplacements

Fait important, la truite vient de passer près de huit mois sans bipèdes dans son environnement immédiat alors il faudra faire preuve de discrétion dans nos déplacements. Le son voyage beaucoup plus vite dans l’eau que dans l’air. Éviter le plus possible de déplacer roches et cailloux en marchant ou encore de fracasser le fond avec votre bâton de marche. Le bâton de marche qui devrait d’ailleurs toujours être à vos côtés quand l’eau est haute et tumultueuse, il vous sert tout de même de troisième jambe!

Il y a aussi l’aspect de la discrétion visuelle qui est tout aussi importante. Contrairement aux mouches, il faut se fondre dans l’environnement que nous avons en arrière-plan. Les arbres sont dénudés de feuilles au printemps, il est donc plus difficile de les utiliser pour se camoufler. Il faut porter des vêtements de couleurs neutres et naturelles en priorisant par exemple le beige, le brun ou encore le vert. Les couleurs éclatantes comme le rouge ou le jaune et les couleurs foncées tel le noir ou le bleu marin sont à éviter. Ralentir notre vitesse de déplacement en dehors et dans l’eau peut tout aussi contribuer à se faire moins remarquer!

 Fly fisher on the river

Pêcher en douceur, à la profondeur adéquate et offrir une belle présentation

Contrairement à la pêche en lac, la pêche en rivière est dynamique. L’eau est toujours en mouvement. Cela doit nous amener à modifier notre approche. Par exemple, au lieu de quadriller en lançant en horloge autour de l’embarcation, en rivière, nous recherchons plutôt à « canaliser » nos lancers. « Canaliser » dans le sens où la mouche se déplace de manière rectiligne de l’amont vers l’aval en suivant le cours naturel de l’eau. Imaginez des lignes noires au fond de la rivière comme dans une piscine olympique et que vous devez faire passer votre mouche entre chacune d’elles afin de couvrir l’entièreté du fond du cours d’eau. En pêchant ainsi, vous maximiserez vos prises.

Pour cela, il faut aussi que la mouche soit visible et bien présentée afin que le poisson puisse l’atteindre. Il faut penser à ralentir sa présentation et s’assurer que la truite a le temps de capturer la mouche au passage. Si l’eau est haute, il est important de faire couler la mouche à la bonne profondeur. Pour y arriver il faut utiliser un lestage sur l’appât (mouche lestée) ou encore un avançon calant (polyleader ou plomb pincé). Il est aussi suggéré d’utiliser du fil en fluorocarbone car sa densité est plus élevée que celle de l’eau et favorisera le calage des mouches. La pêche à la nymphe et au streamer sont donc deux approches à préconiser car ces deux méthodes sont sous l’eau.

Nymph fly

Choisir l’équipement adéquat et la bonne technique

N’ayez crainte, vous avez probablement une bonne partie de l’équipement qu’il vous faut déjà. Il vous manquera peut-être un bas de ligne calant, des plombs pincés ou encore un indicateur de touche mais ces éléments sont peu dispendieux et habituellement faciles à trouver. N’hésitez-pas non plus à utiliser un canne un calibre plus gros que recommandé pour la truite si c’est ce que vous avez en main, vous aurez encore plus de facilité à lancer vos mouches. En fait, le choix de l’équipement sera déterminé par la méthode de pêche choisie.

Du point de vue de la technique, je suggère 3 approches qui ont fonctionné pour moi dans le passé : la pêche au streamer, la pêche à la nymphe traditionnelle (ou en suspension) et la pêche à la nymphe européenne.

Qui n’a pas déjà essayé de déjouer une truite au muddler ou encore au wooly bugger lors de sa première sortie? Il faut peu d’équipement pour s’adonner à la pêche au streamer, c’est ce qui en fait sa popularité. En début de saison, il faut user d’adaptation cependant. L’ajout d’un bas de ligne calant ou polyleader, ou encore l’utilisation d’une mouche plombée, vous permettra d’atteindre la profondeur souhaitée. Il suffit de lancer de 90° à 45°, de laisser caler sa mouche, et puis de ramener doucement. Cette méthode est très efficace auprès des gros spécimens. N’oubliez pas de réduire légèrement la taille de vos streamers pour les premières sorties. Choix de mouches : la André A, la Mickey Finn, le Muddler et la Wooly Bugger plombée.

Wooly Bugger fly

Comme deuxième technique, la pêche à la nymphe en suspension est sans aucun doute l’une des méthodes les plus efficaces et les plus faciles à maîtriser. On peut facilement débuter en attachant deux mouches et un flotteur (ou indicateur de touche) sur notre bas de ligne. Il suffit de placer les deux mouches à environ 40 cm de distance entre elles sur le bas de ligne. La première, qui est la mouche de pointe, permettra à l’ensemble de couler vers le fond. La deuxième, plus haute sur le bas de ligne, est attachée en potence. Cette dernière est en flottaison, donc elle doit être plus légère que la mouche de pointe. Puis, on n’y ajoute un flotteur dont on fera varier la distance en fonction de la profondeur du cours d’eau. Pour débuter, mettre le flotteur à environ une fois et demie la profondeur de l’eau est l’idéal. Quand le poisson va mordre, le flotteur stop, il suffit de ferrer légèrement. Avec un peu de pratique, vous deviendrez un as du nymphing! Choix de mouches : la Beadhead Stonefly, la Beadhead Red Fox Squirrel, la Pheasant Tail et la North Country Spider.

Beadhead Red Fox Squirrel fly

La dernière méthode, la plus difficile à maîtriser techniquement, est la plus efficace. On peut débuter cette méthode avec une canne standard et un bas de ligne improvisé mais une canne spécialisée de nymphing est recommandée afin d’exploiter son plein potentiel. Nous rappelant la pêche au fil ou au toc, le nymphing européen est basé sur le principe qu’on laisse descendre les mouches naturellement dans le courant près du fond en les guidant doucement tout en maintenant un contact direct avec celles-ci. Le poids des mouches permet de garder une tension sur le bas de ligne. Une canne de spécialisée de nymphing qui mesure entre 10’ et 11’ de longueur nous permet aussi de pêcher plus loin dans les cours d’eau. Contrairement aux cannes conventionnelles, la canne de pêche à la nymphe a une flexibilité moyenne avec le bout plus souple. Ce qui nous permet de pêcher avec des bas de ligne très fins sans les briser lors des combats avec le poisson. Choix de mouches : une variante de Pheasant Tail, la El Secreto, la Rainbow Warrior ou la Sexy Walt’s.

 Pheasant Tail fly

En bref, il ne faut pas avoir peur de sortir à l’ouverture mais il faut quand même bien se préparer car les conditions ne sont pas toujours évidentes. Restez très prudents dans vos déplacements car le niveau de l’eau est élevé et l’eau elle-même est très froide. Il faut porter des vêtements appropriés et utiliser un bâton de marche. Un gilet de sauvetage pourrait aussi vous sauver la vie.

Préparez votre équipement d’avance afin d’être prêt lorsque vous arriverez sur le bord de la rivière. Une fois sur place, il faut tout faire pour mettre la mouche à la bonne profondeur et dans un secteur qui vous semble productif.

Essayez les différentes techniques proposées afin de trouver celle qui vous convient le mieux. C’est en sortant quand la pêche est difficile qui fera de vous un meilleur pêcheur qui saura s’adapter à toutes les conditions. Sur ce, je vous souhaite un excellent début de saison et de réussir à déjouer votre première truite à la mouche.

Écris par: François Nadeau, Guide de Pêche



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